Monday, August 27, 2018

PDF Ebook La Distinction : Critique sociale du jugement, by Pierre Bourdieu


PDF Ebook La Distinction : Critique sociale du jugement, by Pierre Bourdieu

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La Distinction : Critique sociale du jugement, by Pierre Bourdieu

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La Distinction : Critique sociale du jugement, by Pierre Bourdieu

Détails sur le produit

Broché: 672 pages

Editeur : Les Editions de Minuit (1 août 1979)

Collection : Le sens commun

Langue : Français

ISBN-10: 2707302759

ISBN-13: 978-2707302755

Dimensions du produit:

21,7 x 13,5 x 3 cm

Moyenne des commentaires client :

3.9 étoiles sur 5

8 commentaires client

Classement des meilleures ventes d'Amazon:

43.933 en Livres (Voir les 100 premiers en Livres)

S’il ne fallait lire qu’un seul livre de sociologie ça serait celui ci ! Certes c’est difficile à lire mais c’est passionnant , on est dans le cœur du réacteur social . La puissance d’analyse du grand Bourdieu y est à son paroxysme, ce livre est La substantifique moelle de son œuvre. Le livre le plus profond qu’il m’ait été donné de lire ces dix dernières années.

Bourdieu, ça décape les neurones ! Non seulement ça fourmille d'observations fines et argumentées, mais en plus cet auteur s'amuse à faire des phrases en forme de jeux de mots, parfois longues, avec des parties emboîtées qui en contiennent d'autres... on s'y perd, ça fait penser aux matriochkas, à l'infini. Vertigineux et passionnant !Le fond, la partie "sourde" et officieuse de la lutte des classes, ne doit guère avoir bougé, tant les concepts sont puissants. Je crois savoir que d'autres ont, depuis, poursuivi le travail de Bourdieu, en intégrant des événements plus récents, l'avènement des téléphones portables, d'Internet, des réseaux sociaux, etc. J'ai vu ça au passage, mais déjà je vais relire Bourdieu, ça fait des années que je ne l'avais plus ( madame l'a embarqué en douce quand nous nous sommes séparés ). Bourdieu, il faut se sentir pour s'y attaquer, c'est du compact. Là , plein d'autres choses à lire, mais je l'ai commandé afin de l'avoir, pour le jour où ça me prendra. Je trouve que c'est une excellente grille d'analyse pour comprendre le monde où nous vivons. Alors, obsolète ou pas, moi je dirais non, mais la discussion éventuelle reste ouverte. En tous cas, un ouvrage brillant.

Livraison très rapide.Le pavé peu paraître rébarbatif,.. mais c'est une très bonne approche de la pensée bourdieusienne, à déguster à son rythme.

On nous dit que cet ouvrage est un classique de la sociologie. C'est sans doute juste, mais nombre de classiques se lisent aujourd'hui comme une caricature. C'est le cas de cette mise en théorèmes qui ouvre la première partie, ce schématisme de la pensée ne la rend pas plus réfutable pour autant, critère selon beaucoup d'une scientificité que réclament les auteurs. Quant aux statistiques données dans les tableaux, elles font aujourd'hui sourire par leur primitivisme (les auteurs ne semblent pas savoir qu'il y a des tests statistiques), on pourrait y voir aussi bien comment les classes populaires et moyennes réussissent si bien à l'école, contrairement à la théorie énoncée. Qui veut approfondir, lira avec bénéfice "Pourquoi Bourdieu" de Nathalie Heinich.

J'ai offert ce livre à une personne qui était ravi, et pour moi contente de l'avoir reçue bien avant noël, en très bon état bien emballer

L'opinion commune et parfois savante ne retient, en se fixant sur le titre "distinction", que le sens banal de ce mot: avoir du goût, du style, faire chic, être distingué. (La divergence entre les deux acceptions de "distinction", l'une profane car sociale, l'autre spécifique car sociologique, se retrouve (pour mieux la faire saisir avec l'exemple d'un autre malentendu récurrent) entre la signification bourdieusienne, technique, de "champ", et sa traduction fréquente, notamment dans les études littéraires, par "domaine", avec, dans cette incompréhension, une perte du concept).Bourdieu étudie avant tout ce qui, dans le jugement déclaré (avec, dans ce cas, le risque d'un biais car préférences et jugements tendent à s'ajuster à la perception qu'ont les enquêtés, surtout dans les milieux populaires, des attentes de l'enquêteur tenu pour "cultivé") et, d'abord, dans les conduites silencieuses attenant au goût, opère significativement un écart distinctif. Amorcent un écart distinctif, les agents qui se différencient en différant. Sans, pour cela, qu'ils aient besoin de le savoir ou de le vouloir, puisqu'on a affaire à un système pondéré et relatif de positions/dispositions de classes, dans un espace social donné. Il s'agit à la fois de la différence produite et, surtout, de la logique de production d'un écart différentiel. Cet "écart" (qui implique, tout ensemble, une distance, une séparation relative et un jeu distinctif) est appréhendé dans le cadre d'une structure hiérarchisée de relations et de goûts culturels plus ou moins légitimes, propices à configurer une condition sociale et à refléter un style, mieux: une "forme" de vie, qui leur sont coextensifs. Ce qui occupe le sociologue, c'est moins les différences singulières constatées parmi les individus, que les enjeux et les "jeux" stratégiques différenciateurs qui les partagent et qui participent à la constitution des classes sociales dans un champ donné, particulièrement dans le champ culturel et secondairement le champ politique, qui sont retenus dans l'ouvrage. C'est pourquoi l'approche de Bourdieu ici - et sa sociologie (au revers du réductionnisme et du déterminisme qui lui sont imputés) - est résolument dynamique. Ce qui ne veut nullement dire que "tout change", "tout est mobile", car les pratiques et leurs perceptions évoluent au sein de structures qui contribuent, pour une large part, à conserver tendantiellement, jusque dans le mouvement d'ensemble, les (dis)positions structurelles inégalement distribuées entre les classes, parce qu'elles se trouvent pour l'essentiel homologiquement maintenues, quoique autrement recomposées (c'est aussi ce que vérifiera PB, et que d'autres à la suite vérifient encore aujourd'hui, en matière d'inégalités sociales dans la réussite scolaire). De longs chapitres sont en effet dédiés à l'appréhension de "l'espace social et ses transformations" ou à "la dynamique des champs". Aussi est-il adepte, non pas du holisme (comme disent surtout les boudoniens incriminants...), mais du "structuralisme génétique" (Bourdieu). Sa méthode est clairement anti-réaliste et anti-essentialiste: s'agissant en particulier de la notion de "classes sociales", le sociologue la redéfinit, contre une certaine vulgate marxiste réductrice, sur un double plan positionnel et relationnel : il saisit les agents et leurs dispositions (ou habitus) par rapport à leur position relative et pondérée au sein d'un champ spécifique, qui est structuré par des forces et des luttes.L'auteur s'intéresse donc aux complexes opérations sociales, impliquant de puissants effets de croyance, qui collaborent à la différenciation des catégories d'agents, et grâce auxquelles ils tendent à se distinguer, à se séparer, par le goût. Le "goût" étant, simultanément, une manifestation sensible de la différence (une "distinction" de classe) et un indicateur social d'appartenance (une "distinction" qui classe). En faisant système et en s'ancrant, cette matrice de goûts se convertie en culture, par une série d'éléments liés, unifiés, et aux traits marquants. Dans cet univers, différer, c'est exister et se sentir exister socialement. Dans une circularité propre à la croyance - cette illusion non illusoire car socialement entretenue -, les goûts font les gens comme ils sont. Et dans ce tour de magie sociale, les qualités ou attributs sociaux des gens sont convertis en propriétés ou en essences, que rendent les expressions "nous, on est comme ça", "j'ai ça dans le sang", la "noblesse" culturelle se présentant sous les dehors d'une "nature" ("la naissance", les "gènes")... Cet écart différenciateur se mesure à travers des états donnés de préférences, lesquelles proviennent de systèmes de goûts institués en di/visions légitimées par le milieu familial, par l'Ecole, et secondairement par le musée ou les canons médiatisés de la mode. Ces systèmes de goûts relèvent indistinctement de l'esthétique et de l'éthique (plus précisément, il y a une éthique de l'esthétique: des valeurs sociales/morales sont sous-jacentes aux jugements esthétiques), où pointe une forte mystique puisque le goût, dans les milieux cultivés, touche à l'ineffable, relève de l'état de grâce et d'apesanteur, faisant appelle à un vocabulaire éthéré. À l'œuvre dans les sociétés dites traditionnelles, où se portent préférentiellement les lectures structuralistes orthodoxes, le schéma socio-logique des oppositions binaires est rapatrié vers les sociétés complexes dites modernes par Bourdieu, qui en passant rompt décisoirement avec une frontière infondée: haut/bas, rare/commun, fin/grossier, beau/laid....Les goûts ne se découvrent jamais mieux qu'en deçà de la conscience, ou du langage, dans l'expression corporelle (aversion/aversio: se détourner), dans les automatismes gestuels (abject/ab-jectus: jeter hors de) ou les réflexes verbaux avec les insultes/injures (immundus: sale, impur, vil - versus mundus: "objets de toilette", le "monde" pur, élégant, ordonné). Les goûts structurés et structurants sont de nature relationnelle, s'affirmant par rejet et se livrant par opposition: les goûts cultivés, car électifs, de la bourgeoisie traditionnelle ou des modernes esthètes ont en commun, par-delà ce qui les oppose, d'être aussi, et de concert, des dégoûts envers les goûts "ordinaires", car "barbares". Ils contrastent avec l'adhésion populaire à une "esthétique" (dominée) pour ainsi dire matérielle, sans formes ni formalismes. Les artefacts "populaires" appropriés par les milieux à fort capital culturel et/ou artistique subissent une transmutation ontologique et de leur signification: la forme kitsch prime alors sur la fonction, à la faveur d'une sublimation des finalités premières de l'objet "vulgaire". S'échelonnent, et parfois se télescopent, des goûts de "nature", "bruts", "utiles" et "sans chichi", et des goûts tenus et revendiqués pour proprement "culturels", "naturellement" culturels, des goûts raffinés, recherchés mais sans intention ni finalité déclarées, cristallisant un je-ne-sais-quoi d'exquis et d'élégant, et définis par la "libre" distance esthétique voire esthétisante aux "nécessités" et aux fonctions, où la manière tout en finesse et en délicatesse l'emporte sur la matière (culte esthète de l' "inutile" et du "futile", intérêt magnanime au désintéressement, monstration discrète au plus loin de l'ostentation des "m'as-tu-vu").Les goûts se manifestent dans des conduites, des hexis corporelles (postures, pauses), des actes de langage, dans un regard "évaluatif" au premier coup d'œil ("l'œil est un produit de l'histoire reproduit par l'éducation", LD, intro., p. III), dans des intonations verbales, des gestes connotés et connotants, dans la fréquentation d'espaces séparés, plus ou moins sélects, dans un maintien et une (re)tenue, dans des manières ou ethos "nobles" versus "vulgaires", dans des objets appropriés ou consommés selon des usages et des rituels démarcants, dans des types d'activités.Contre les apparences, c'est-à -dire contre l'opinion et les simplifications, Bourdieu montre, en affinant l'analyse socioethnographique, que ce qui produit un effet de distinction sociale, ce n'est pas seulement le fait, grossièrement constaté, de la répartition différentielle des pratiques, par exemple celles de nature sportive, entre le "choix" du golf ou "l'option" vélo. C'est aussi, c'est d'abord, le mode d'acquisition et la "manière" qui est investie dans telle pratique, les "petites" différences qui, mises bout à bout, "font" toute la distinction/séparation: dans quel cercle social pratique-t-on, depuis quel âge, dans quel club, avec quelle qualité d'équipement, selon quelles règles et régularités, avec ou sans formateur (particulier), selon quelles éthique, motivation et finalité (détente, à but culturel, loisirs, ludique, compétition...). Le sociologue l'a abordé en 1965 avec les usages sociaux de la photographie, et l'exemplifie dans La Distinction avec, entre autres objets, le cas du tennis. Bien qu'amorçant au tournant des années 70/80 une relative "démocratisation", cette pratique demeure clivante au regard des indicateurs mentionnés, tout en restant très diversement investie selon les milieux sociaux. Si bien que, grosso modo, entre un fils de grand bourgeois parisien et un fils de petit commerçant de province qui s'adonnent tous deux au tennis, le chercheur vérifie qu'ils ne pratiquent pas le "même" tennis. Dans un cas, cela est vécu comme un "sport", dans la continuité de la vie quotidienne, tandis que dans l'autre on a plutôt affaire à un "loisir", davantage en rupture avec le temps ordinaire et l'activité professionnelle, comme le souligne le mot "détente". Une variation semblable se retrouve dans le rapport social et perceptif au corps (nourriture, physique, esthétique, éthique, diététique, bien-être, santé). Si, par exemple, toutes les catégories sociales établissent un lien entre "forme" physique et alimentation, elles n'ont pas le même point de vue, donc la même distinction (sociale, esthétique, éthique), sur ce rapport ni sur les termes de ce rapport.Les goûts s'indexent sur la distribution et l'accumulation inégales de titres ou de capitaux - capital économique (i.e. revenus et patrimoine), mais surtout capital culturel (niveau d'études et/ou "héritage" éducatif intra-familial) et capital social (relations sociales mobilisables). Ils possèdent un caractère systématique, en ce que ces goûts sont transversaux à divers domaines sociaux (culture, esthétique, culinaire, sport, politique...), parce qu'ils sont conjointement "esth-éthiques", et aussi parce que, dans la mesure où ils émanent d'habitus partagés, ils fonctionnent comme des dispositions incorporées génératrices de classements transposables et dotés d'une vertu agrégative car ils expriment et consolident une identité à double face: appartenance/exclusion.Bien qu'il ne les cite pas, Bourdieu s'inscrit dans la lignée de Thorstein Veblen (Théorie de la classe de loisir) et d'Edmond Goblot (La barrière et le niveau), tout autant que de Norbert Elias (celui de La Civilisation des mœurs et, surtout, de La Société de cour, qu'il cite); et, d'une certaine façon, à travers la référence aux codes sociaux et sa méthode des signes structuraux, de la sémiologie barthésienne des années 50/60 (qui influencera le Baudrillard du Système des objets), mais que, en quelque sorte, il inverse et externalise. Le monde de l'élégance, ses codes et ses signes, de la Recherche du temps perdu de Proust a peut-être inspiré lointainement le travail du chercheur (certains commentateurs, et PB lui-même, ont pu rapprocher, mutatis mutandis, La Distinction des descriptions systémiques des univers sociaux opérées par Balzac, Proust, ou par Flaubert, étudié et admiré par PB - ces deux derniers auteurs constituant, selon une confidence de PB, ses "deux modèles conscients"). Toutefois, tant la rigueur méthodique et la portée théorique articulée à d'amples enquêtes (datant de 1963, 1967/68, en intégrant de façon critique des données de l'INSEE de 1970), que la systématicité prônée et les perspectives qui s'en dégagent, projettent cette étude bien au-delà de ces essayistes et de la spécificité de ce roman, dont elle se distingue sous tous ces rapports.D'aucuns avancent que l'objet du livre de Bourdieu porte sur les déterminants sociaux du goût. Ce n'est pas faux, mais c'est insuffisant et assez banal. Ce disant, ils ignorent une de ses dimensions et options théoriques cruciales. En effet, en sus de l'établissement d'une relation causale et de covariance statistique en matière de goût (avec la corrélation classe sociale/préférences), mais qui est quelque peu statique, Bourdieu considère aussi la distinction par le goût en tant que stratégie de positionnement individuel et collectif dans un espace social donné. La méthode du livre repose sur l'analyse relationnelle/structurale (par oppositions, par homologies) et dynamique (transformations, reconversions, recompositions) des "goûts" en tant qu'ils forment un système socialement "classé et classant". On peut résumer plus précisément la thèse centrale de cette recherche. À la fois opérateur et indicateur de la classe ou fraction de classe d'appartenance, le système de goûts est situé à l'interface des habitus et des champs sociaux qui les font exister et "signifier". Classés par les classements qu'ils opèrent, par adhésion ou par refus, les sujets sont, presque toujours à l'état pratique et de façon tacite, des sujets sociaux qui classent. La lutte des classes se double d'une lutte symbolique de classements entre dominants et dominés, pour faire dire/voir un ordre "esth-éthique" (et socioéconomique) tenu pour plus ou moins légitime selon les positions/prises de position.Avec les nombreuses analyses descriptives, le détail empirique ou photographique s'enchasse dans le système relationnel qui l'éclaire (grâce à des analyses spatiales, ou géométriques, des données). Elles se mêlent aux vastes développements conceptuels (parfois ardus) par lesquels Bourdieu démontre, en sociologue d'avantage nietzschéen que kantien (en étendant le kantisme jusqu'à la postérité philosophique et doxique en matière de conception du "goût"), que le "jugement" n'a rien de transcendantal, c'est-à -dire de pur censément situé au-dessus des pratiques et des expériences sensibles (et que, de même, les "goûts et les couleurs" ne sont ni naturels ni ne résultent entièrement de l'arbitraire individuel). Le ressort du jugement esthétique/éthique est primordialement social, donc "impur" car "intéressé", positionnel, motivé. Il est immanent à la logique sociale, intériorisée, qui procède par "discriminations" ou, si l'on veut, démarcations socioculturelles. De là le sous-titre aux résonances kantiennes de l'étude (et non sans malice !), "Critique sociale du jugement", mis en mouvement dans la première partie et explicité dans le Post-scriptum. Dans celui-ci Bourdieu, en sociologue-philosophe, n'opère pas tant une inversion de la table des valeurs esthétiques-éthiques pur/vulgaire, fin/grossier ou, chez Kant, plaisir désintéressé/jouissance des sens, qu'un renversement questionnant de la validité de la hiérarchie qui la fonde, telle qu'elle est établie depuis Kant, tout en "déconstruisant" sociologiquement, à la suite, la lecture déconstructionniste derridienne du texte kantien (ce qui ne va pas sans ironie, attendu que Derrida, à travers la radicalité affichée de sa Déconstruction, est supposé mettre au jour les vérités et évidences les plus insoupçonnées de l'histoire de la philosophie, alors qu'en fait il reconduit, même depuis les marges rituellement transgressives de la philosophie, le "jeu" sérieux, les formes et les censures spécifiques, inhérents au champ philosophique).La pertinence de l'outillage conceptuel, ainsi que la nouveauté des résultats de La Distinction ont permis que soient redéfinies et reconfigurées autrement, de façon plus précise et réaliste, les CSP de l'INSEE. Cet ouvrage, qui déploie des notions-clés de la sociologie bourdieusienne, et qui a rapidement acquis le statut de classique au sein de la tradition sociologique, compte aujourd'hui parmi les six œuvres sociologiques majeures les plus lues dans le monde, contribuant à faire de son auteur le sociologue le plus traduit et cité. Sa modernité tient aussi au parti pris des mots, qui est indistinctement un parti pris des choses: contre un certain langage de penseurs marxisants qui parlent du "mode de production" de la classe ouvrière, de façon déréalisante et finalement assez chic, Bourdieu préfère dire, sur la base de ses observations, "les maillots de corps de la classe ouvrière", ou montrer en photo, en les donnant à commenter à un échantillon d'enquêtés, des mains rugueuses (avec une allusion parodico-satirique, par le choix d'une simple photo plutôt que d'une peinture, aux fameux souliers de paysans esthétisés et ontologisés par Heidegger). La positive inversion des catégories, des hiérarchies, ou des références, qui consiste à réduire sans réductionnisme, ou à privilégier, face à ce qui est tenu pour "supérieur" (pur, sacré, transcendantal), les objets banals et les procédés ordinaires, est une posture et une méthode caractéristiques de la démarche sociologique (et philosophique) de Bourdieu: on la retrouve, notamment, dans la reprise du problème classique, depuis Mauss, de la magie, mais que PB, non sans transgression intentionnelle, voit se manifester dans la haute couture, avec l'effet symbolique, magique (et la croyance qui l'accompagne), de la signature du grand couturier.La Distinction est un ouvrage de sociologie, certes, mais aussi (le voit-on?) d'anthropologie (dans la préface à l'édition allemande, PB parle de son enquête comme relevant d'une "ethnologie de la France") et, par certains côtés, de philosophie. Des auteurs de romans aux contours sociobiographiques ont pu s'inscrire dans cette filiation sociologique, particulièrement avec cette étude: Annie Ernaux, Didier Eribon, Edouard Louis...Des bémols, voire des divergences, ont été formulés contre l'approche de Bourdieu ou certains de ses énoncés: réserves à l'endroit d'une sociologie de la "légitimité" et de la domination culturelles jugée normative (Boltanski/Thévenot); doutes émis contre l'idée "populiste" et réductrice selon laquelle l'esthétique populaire serait "dominée", n'existant donc que par défaut (Passeron/Grignon); remise en cause de la notion bourdieusienne de "peuple" et d'une esthétique populaire déniée car vue comme inféodée aux goûts hégémoniques (Rancière); dans la logique distinctive interclasses, il faut prendre en compte la variable "individu" ainsi que la porosité et la dispersion sociales des pratiques culturelles, qui sont plus accentuées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient dans les décennies 60/70 (Lahire); la notion de champ, quoique novatrice et heuristique, reconduit et ratifie tacitement, sans les déconstruire, les visions et divisions (frontières/classements/perceptions) qui définissent les disciplines du savoir instituées par l'Université/l'État, ce qui conduit, paradoxalement, à saisir l'espace social de façon homogène (coupure et fermeture) et réaliste, avec pour conséquence inattendue une conception conservatrice et normative de la société, une appréhension ethnocentrique et externaliste des créateurs et novateurs, ce qui a pour résultat de rater la singularité et positivité de leurs œuvres, ainsi que de négliger la multiplicité des pratiques et la transversalité des champs (de Lagasnerie).Pour ceux qui voudraient attaquer la lecture de la Distinction, je conseille de commencer par... l'introduction - modèle insigne d'une pensée/écriture théorique - et vous serez entraînés à découvrir la suite...

Un des nombreux livres indispensables de Bourdieu, avec notamment Le sens pratique, ou le recueil Questions de sociologie. S'il est de bon ton de l'attaquer aujourd'hui pour son approche déterministe, voire "mécaniste", l'ouvrage n'en demeure pas moins passionnant et, pour peu qu'on l'aborde avec un oeil critique, très utile pour la compréhension de la société contemporaine.

Il est parfois de bon ton aujourd'hui de critiquer Bourdieu; cet ouvrage reste, quoi qu'un peu vieilli (car la société française décrite dans les nombreux exemples et études statistiques remonte aux années 70), extrêmement riche pour l'historien, l'historien de l'art, l'historien de la société tout autant que pour le sociologue, le politologue ou le philosophe (et même pour élaborer des stratégies commerciales). L'intuition subtile de Bourdieu est souvent géniale; elle est servie par sa finesse d'analyse, une grande clarté d'expression et une démarche scientifique rigoureuse. Un livre fondamental.

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